Madrid s’entête à miner les relations stratégiques avec Rabat

Longtemps qualifiées d’excellentes et de stratégiques de part et d’autre, les relations entre le Maroc et l’Espagne traversent de fortes turbulences à cause d’une décision de Madrid pour le moins irréfléchie : accueillir sous une fausse identité algérienne le dénommé Brahim Ghali qui est, de surcroit, poursuivi par la justice espagnole pour génocide et terrorisme. L’arrivée en catimini du chef des milices séparatistes en Espagne porte à l’évidence un coup dur aux relations bilatérales, édifiées et entretenues, des années durant, sur la base de l’amitié, des intérêts mutuels et de la confiance réciproque. Cette décision ne porte pas préjudice uniquement aux liens entre Madrid et Rabat, mais sape aussi la crédibilité d’une justice espagnole, dont l’indépendance a été plusieurs fois critiquée sur des dossiers sensibles, d’autant plus qu’elle revendique une compétence universelle pour juger des étrangers soupçonnés de crimes graves commis hors de son territoire national. L’étonnement face à l’attitude de Madrid atteint son paroxysme compte tenu du fait que même des ressortissants espagnols ont été victimes d’actes terroristes du polisario. En effet, le chef des séparatistes est accusé d' »assassinats de travailleurs canariens » dans le territoire du Sahara, ainsi que d’être « le commanditaire ayant ordonné les assassinats, les enlèvements collectifs et les disparitions d’équipages en haute mer de marins canariens lors de la période allant de 1973 à la fin de 1986 ». En aucun cas, l’argument « humanitaire » avancé par l’exécutif espagnol pour donner son feu vert à l’arrivée du dénommé Brahim Ghali sur son territoire en provenance de l’Algérie ne pourrait justifier la démarche qu’il a adoptée pour cette opération clandestine digne d’un film d’espionnage. Cette décision aurait pu être considérée comme une action mal calculée si Madrid avait pu apporter « une réponse satisfaisante et convaincante » aux interrogations légitimes soulevées par le Royaume à ce sujet. En l’absence d’une telle réponse, on a le droit de s’interroger sur les visées réelles d’un acte de mauvaise foi, voire provocateur, dont les graves conséquences sur les relations maroco-espagnoles auraient été prévisibles même pour un novice en relations internationales. Mettre en doute le prétexte avancé par l’Espagne est d’autant plus justifié lorsqu’on apprend, selon les médias ibériques, que le gouvernement Sanchez a décidé d’accueillir le chef des séparatistes, en dépit des réserves émises par certaines parties en son sein à ce sujet. En agissant de la sorte, le gouvernement espagnol en place confirme son entêtement à nuire aux relations stratégiques avec Rabat que le Royaume a pourtant œuvré, de tout temps, à consolider à travers des actions tangibles dans les domaines économique, commercial, sécuritaire, migratoire ou judiciaire, entre autres. Dénotant d’un non-respect flagrant des principes de bon voisinage entre les pays et de sincérité dans les relations internationales, le refus de l’Espagne jusqu’à présent de redresser la situation en apportant des réponses concluantes au Royaume laisse planer le doute sur l’avenir des relations bilatérales.       « Pourquoi les autorités espagnoles ont-elles estimé que le Maroc ne devait pas être informé ? Pourquoi ont-elles préféré coordonner avec les adversaires du Maroc ? Est-il normal que nous l’ayons appris par la presse ? ». Ce sont là autant d’interrogations fondées, soulevées par le ministre des Affaires étrangères, de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita, dans un récent entretien à l’agence espagnole EFE, mais qui sont restées malheureusement sans réponses convaincantes. La fermeté dont a fait preuve le Maroc dans cette affaire, illustrée par les positions de rejet et d’indignation exprimées par le gouvernement, les partis politiques, les médias, les experts et la société civile, a peut-être surpris les voisins espagnols qui ne s’attendaient pas à un tel front commun contre sa décision. Madrid, qui s’obstine dans la négation de son erreur, ne fait que raviver les doutes sur ses véritables motivations dernière l’accueil du chef des milices du polisario. Abandonner l’ambiguïté qui caractérise sa position est le seul moyen de mettre fin à cet épisode malheureux des relations bilatérales et d’envisager leur avenir sous de meilleurs auspices.