La version du Polisario sur le kidnapping à Tindouf prête à suspicions
La version présentée par les dirigeants du Polisario qui imputent aux combattants d’Aqmi, la responsabilité de l’enlèvement de trois ressortissants européens, est sérieusement mise en doute par les experts des questions du terrorisme. Sans attendre les conclusions des enquêtes ouvertes par les services de sécurité algériens et par la direction de son mouvement, le représentant des séparatistes à Alger, Brahim Ghali s’est empressé quelques heures après le rapt, d’en faire porter le chapeau aux djihadistes d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). « J’accuse directement Al-Qaïda au Maghreb d’être derrière l’enlèvement des trois étrangers », a-t-il déclaré à l’AFP. Pour les spécialistes en la matière, il est pratiquement impossible d’accéder aux camps de Tindouf, hautement surveillés de nuit comme de jour par les milices armées du Polisario et des unités de l’armée algérienne. En plus, l’idée de parcourir 2000 Km dans le désert algérien sans être aperçu, pour ensuite franchir tranquillement les frontières sud algériennes très bien gardées, cela relève de l’imaginaire. Tout comme c’est impensable, estiment les mêmes observateurs, de prétendre qu’un véhicule étranger puisse s’introduire sans une complicité interne, dans le camp de Rabouni où est installé le Quartier Général du Polisario et s’en sortir avec trois étrangers à bord ni vu ni connu. Ce serait vraiment un exploit qui mérite d’être inscrit sur le livre Guinness des records, ironise un des experts que nous avons interrogé. Selon ce dernier, la version des faits avancée par certains dirigeants sahraouis est tellement simpliste et ridicule que même les hautes autorités algériennes qui pourtant soutiennent corps et âme, le mouvement n’y ont pas cru un instant.
Pour preuve, dès que la nouvelle a éclaté au grand jour, le président algérien Abdelaziz Bouteflika qui ne fait vraisemblablement plus confiance au DRS (service de renseignement militaire) a dépêché d’urgence le chef d’Etat Major de l’ANP (Armée nationale populaire), le général Gaid Salah pour mener sa propre enquête sur l’enlèvement des trois humanitaires espagnoles et italien et lui dresser un rapport bien ficelé sur les dysfonctionnement de l’armée et des services de sécurité déployés dans la région. L’enquête de Gaid Salah devrait inclure outre les hauts responsables du Polisario, l’ensemble des officiers du DRS affectés dans la wilaya de Tindouf et qui ont en priorité pour mission, de garder un œil vigilant sur tout ce qui se passe dans les camps Tindouf. Officiellement, comme le rapporte ce lundi un quotidien algérien, le général Salah s’est rendu dimanche, moins de 24 après l’enlèvement à Tindouf, pour inspecter « le plan de l’armée » visant à sécuriser la bande frontalière de la Mauritanie à la Libye. Mais sur place, des sources sahraouies bien informées affirment que le haut responsable militaire algérien était venu plutôt pour en savoir un peu plus sur l’affaire de l’enlèvement des trois européens du plein centre de Rabouni, qui est une sorte de forteresse implanté dans une zone de haute sécurité, où normalement rien ne peut bouger sans la connaissance de l’armée et surtout des services du DRS. D’autant plus le ministère algérien de la défense avait précédemment laissé entendre que toutes les unités postées postes frontaliers du sud de l’Algérie et mitoyens de la frontière avec la Mauritanie, le Mali, le Niger et la Libye, ont été placées en état d’alerte permanente et ce, depuis le début du conflit libyen. D’ailleurs, dès dimanche matin, on ne parle que de l’enlèvement dans les camps de Tindouf, où nombre de Sahraouis se disent convaincus que les trois européens ont été bel et bien enlevés par les leurs et non par des combattants d’Aqmi comme le prétendent les responsables du Polisario qui cherchent à sauver la face de leur mouvement et à éviter des malentendus avec le pouvoir algérien. Une affaire à suivre.