Trois questions à Nasser Kamel, Secrétaire Général de l’UpM
Le secrétaire général de l’Union pour la Méditerranée (UpM), Nasser Kamel a accordé une interview à la MAP dans laquelle il souligne le rôle clé du Maroc dans le partenariat euro-méditerranéen et sa vision proactive dans ses relations internationales. Le secrétaire général de l’UpM revient dans cet entretien sur le drame migratoire en Méditerranée, les défis de relance post-covid et l’intégration régionale. 1. Dans votre dernier rapport sur l’intégration régionale, vous avez mis l’accent sur les réalisations accomplies dans la région, mais aussi les défis à relever notamment ceux liés à la mobilité humaine. Ce sujet renvoie au drame migratoire que vit la Méditerranée. Quelle est votre vision pour le règlement de cette problématique ? Le drame migratoire en méditerranée est à traiter sous deux formes : l’urgence de la situation et le drame humain ; et ; sur un temps plus long, faire face aux problèmes qui poussent ces personnes au départ. Ces causes profondes sont multiples : dérèglements climatiques, manque d’opportunité d’emploi pour les jeunes, populations vulnérables, etc. C’est à ces cause que l’Union pour la Méditerranée s’attarde à travers un dialogue politique et des projets régionaux. C’est pour explorer les opportunités qu’offre notre région, que l’UpM a chargé l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) de préparer la première édition du rapport sur l’intégration régionale. Ce rapport fournit des résultats clés et des recommandations politiques dans cinq domaines : le commerce, les finances, les infrastructures, la circulation des personnes et la recherche et l’enseignement supérieur. Il présente également des indicateurs de performance spécifiques pour pouvoir suivre les tendances et les progrès. Avec plus de 20 % du commerce mondial de marchandises en 2018, le marché intrarégional de l’UpM est l’un des marchés mondiaux les plus importants aujourd’hui, alors que la région est l’une des moins intégrées économiquement au monde. Comme l’indique l’étude, la circulation des personnes au sein de la région de l’UpM s’est améliorée, avec un assouplissement des exigences de visa, des accords bilatéraux et régionaux sur le travail et la mobilité éducative. Cependant, ces progrès ont été inégaux entre les pays de la région. La région MENA a une population jeune croissante : d’ici 2030, 39 millions de jeunes supplémentaires arriveront sur le marché du travail dans le sud de la Méditerranée, tandis qu’en Europe, les retraités dépassent les nouveaux travailleurs. Cela signifie qu’il existe des possibilités de concevoir des programmes de migration circulaire qui profitent à toutes les parties, en offrant des opportunités d’emploi de qualité aux jeunes travailleurs, en comblant les lacunes sur le marché du travail et en ramenant de nouvelles expériences, connaissances et productivité dans les pays d’origine des migrants. 2. Le Maroc est un partenaire important de l’Euromed. Comment voyez-vous l’évolution de ce partenariat dans le cadre plus global euro-africain? Le Maroc, et je l’ai dit récemment au ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita, est un pays exemplaire dans sa façon d’être proactif dans ses relations internationales. Nous pouvons citer de nombreux exemples, le Maroc, 1er pays partenaire de la rive sud de la Méditerranée au programme européen de recherches « Horizon 2020 », et aussi premier pays partenaire au niveau africain du programme européen Erasmus+. Depuis 2015, presque 10.000 mobilités Erasmus+ étudiants et enseignants, dans un large éventail de disciplines et différents cycles d’études, ont été organisé entre le Maroc et l’UE. Cela se reflète également dans la forte présence du Maroc dans tout ce que l’UpM entreprend. Le Maroc est un partenaire clé et très actif non seulement au sein de l’Union pour la Méditerranée mais aussi au sein de d’autres organisations régionales importantes comme le Forum des deux rives et Med 5+5. Certains des projets auxquels le Maroc collabore pour améliorer la région méditerranéenne comprennent la restauration et la protection de l’environnement, la restauration des forêts, y compris le développement des villes intelligentes, et de nombreuses initiatives qui cherchent à améliorer les opportunités d’emploi et les compétences des jeunes. Plus de 70% des projets de l’UpM sont en partenariat avec le Maroc sous une forme ou une autre… Pour revenir sur l’étude de l’intégration régionale, la répartition du marché intrarégional est concentrée sur la rive nord de la Méditerranée. L’UE est responsable de plus de 95 % des exportations internes des marchandises et de 93 % des exportations externes. Néanmoins, la sous-région de l’Afrique du Nord est le quatrième partenaire principal pour l’exportation de marchandises, en raison notamment de l’importance du secteur manufacturier en pleine croissance au Maroc. 3. La pandémie de la Covid-19 a mis le monde sous l’éteignoir. Comment percevez-vous la période post-covid pour la région euro-méditerranéenne et avec quels leviers ? La pandémie de la COVID-19 a révélé des faiblesses dans nos systèmes socio-économiques existants, perturbant la production mondiale, les chaînes d’approvisionnement et le commerce. Les conséquences économiques sont énormes et, comme pour de nombreuses crises, un impact disproportionné sur les populations déjà vulnérables. Les femmes du monde arabe à elles seules perdront plus de 700 000 emplois à cause de la pandémie. L’UpM a lancé un mécanisme de suivi intergouvernemental pour s’assurer que l’égalité des sexes progresse au cours de l’année à venir et pour fournir une base factuelle pour des recommandations politiques orientées vers l’action afin de combler l’écart entre les sexes. Nous devons utiliser la pandémie comme une opportunité pour « reconstruire en mieux » et amorcer des changements structurels vers des modèles plus durables et socialement résilients, qui reposent sur les forces locales et assurent des rendements nationaux pour toutes les parties prenantes, tant privées que publiques. Une opportunité offerte par la crise c’est l’accélération de la transformation numérique. Cette révolution peut permettre une meilleure intégration dans la production mondiale et aux investissements étrangers, en réduisant la charge administrative du commerce et en améliorant le commerce et la finance numérique, et elle peut offrir plus de moyens de collaborer et de participer virtuellement à la science, à l’éducation et à la recherche. A titre d’exemple, le Forum des femmes entrepreneurs de l’UpM début juillet comprendra une journée complète de formation sur la transformation numérique pour 100 entreprises dirigées par des femmes afin de les aider à dynamiser leurs activités et à inclure un volet numérique dans leur plan d’affaires. Ces PME seront suivies pendant un an par nos experts. C’est notamment grâce à des initiatives comme CEED au Maroc que nous mettons cela en place.