L’Espagne et consorts appelés à tenir compte des intérêts de leurs partenaires et à observer un comportement respectueux d’égal à égal – M. El Ouadie –
Le président du Mouvement « Damir », Salah el Ouadie a appelé l’Espagne et consorts à travailler sur leurs conceptions et leur politiques à l’aune des mutations réelles, en les invitant à apprendre à respecter réellement, et non par duplicité, des pays envers lesquels ils se sont habituellement comportés avec tant de suffisance et à tenir compte des intérêts de leurs partenaires en observant un comportement respectueux d’égal à égal. « L’Espagne et consorts se doivent de travailler sur leurs conceptions et leurs politiques à l’aune des mutations réelles à l’œuvre sous les yeux de tous. Peut-être ont-ils aussi besoin d’apprendre à respecter réellement, et non par duplicité, des pays envers lesquels ils se sont habituellement comportés avec tant de suffisance. Peut-être ont-ils également besoin de tenir compte des intérêts de leurs + partenaires + et de se faire un comportement respectueux d’égal à égal », souligne M. El Ouadie dans un article d’opinion sous le titre: « Le Maroc, l’Espagne, et les autres : différend régional et shift géostratégique », publié par le site d’information « Quid.ma ». M. El Ouadie a souligné que l’Espagne et globalement toute l’Europe demandent aux pays du Sud de contenir les vagues de migration avec la seule fin « de préserver la cohésion de leurs sociétés, la stabilité de leurs pays et le bien-être de leurs ressortissants construits sur le dos des pays colonisés ». « Pour évoquer l’Espagne d’aujourd’hui, il est nécessaire d’invoquer l’Espagne d’hier », fait-il noter. « L’Espagne a appartenu et le continue à ce que nous appelons communément +l’Occident. Si un article de ce genre ne saurait suffire pour appréhender le concept dans sa globalité, ses représentations ainsi que ses mutations historiques, contentons-nous de rappeler qu’il renferme les pays de l’Europe de l’Ouest (et de l’Est partiellement), en plus des Etats-Unis d’Amérique et de leurs alliés en Asie et en Australie », relève-t-il. Il ajoute que « depuis cinq siècles et la fin de la présence arabo-islamique en tant qu’entité politique sur la presqu’île ibérique et l’arrivée de l’Europe (et je ne dis pas la découverte) sur le continent américain, suivie de la Renaissance enclenchée au 16ème siècle, cet Occident se convainc d’avoir été créé pour gouverner le monde. Si bien et si fort qu’il pense que sa domination fait tellement partie intégrante de +l’ordre naturel des choses+, tellement que cette question en est devenue une composante consubstantielle, une culture établie, dans son esprit irrévocable, non pas uniquement en Occident mais bien au-delà ». « Nul n’ignore les millions d’âmes humaines emportées pour asseoir l’hégémonie de l’Occident. Depuis l’expulsion des Mauresques de l’Espagne catholique, on a assisté concomitamment à l’infamante traite négrière soutenue jusques par certains grands philosophes des Lumières; à l’élaboration de théories sur la suprématie ethnique, y compris la négation de l’existence d’âmes chez les membres des peuples colonisés pour les déposséder de toute velléité de résistance afin de disposer sans retenue de leurs richesses », rappelle l’auteur de l’article. Et de souligner: « Soyons malgré tout juste envers cet Occident. C’est le propre des empires à travers l’Histoire, y compris les nôtres, d’agir de la sorte. Pour autant, il n’est dit nulle part que nous devrions, sous ce prétexte, nous soumettre aux oukases de la culture actuellement dominante ». M. El Ouadie cite la chercheuse tunisienne Sophie Bessis dans son livre « L’Occident et les autres » qui rappelle que la suprématie des empires les plus importants de l’Histoire a été bâtie sur un fondement religieux, tandis que celle de l’Occident actuel est fondée et justifiée aujourd’hui sur un socle rationnel construit, subordonné à une logique séculière loin de toute interprétation religieuse. Il note que « l’évocation de ces évidences historiques est destinée seulement à nous aider à mieux comprendre une autre facette des politiques réactualisées et recyclées de l’Occident : la politique migratoire ». « Une migration objectivement programmée dans les décisions mêmes de la conférence de Berlin en 1884-85, marquant le début du partage avide et infâme des pays africains, du démantèlement de leurs sociétés et du pillage de leurs ressources, Maroc y compris… Ce Maroc que les deux Etats, français et espagnol, n’ont pas hésité, en vertu de la sinistre alliance, à dépecer et à partager tel un gibier à l’infamante et de triste mémoire conférence d’Algésiras en 1906″, poursuit-il, relevant qu' »il ne s’agit pas ici de nous exonérer de nos propres carences, échecs et faux pas, mais de rappeler le long contexte historique pour introduire d’autres éléments nécessaires à la compréhension de ce qui se déroule actuellement sous nos yeux ». « Si l’Espagne et les autres ont réagi avec tant d’acrimonie, c’est parce qu’ils ne perçoivent pas le Maroc d’aujourd’hui comme un allié docile et résigné, mais comme une puissance économique émergente en Afrique, qui les concurrence dans un espace considéré comme une chasse gardée et un butin de guerre conservé exactement de la même manière qu’on conserverait des biens fonciers, à l’instar des deux villes captives Sebta et Mellilia », a-t-il ajouté. Face à cette réalité, l’auteur de l’article se dit satisfait de la politique extérieure du Royaume. « Nous Marocains, ne nous pouvons qu’être satisfaits de l’orientation actuelle de la politique extérieure de notre pays et notre devoir est d’œuvrer à sa consolidation », tient à affirmer M. El Ouadie, soulignant que « ce qui effraie l’Espagne dans cette orientation, c’est qu’au fond, elle est l’un des signes précurseurs du déclin de l’autoritarisme mondial de l’Occident, camouflé dans de grands principes universalistes et droit-hommistes ». « La peur des changements qui s’annoncent ainsi ne provient pas seulement des rétractions marocaines, mais du fait que l’attitude du Maroc est symptomatique d’un soulèvement qui surviendra immanquablement un peu partout, dans un contexte mondial en transformation géostratégique, marqué par l’attitude de pays et de peuples du Sud de moins en moins enclins à supporter l’ordre mondial occidental tel qu’érigé depuis des siècles », fait-il remarquer. M. El Ouadie estime dans cet article que « le Maroc a probablement tardé à changer de paradigme dans la relation qui l’unit à nombre de ces pays, dont l’Espagne ». « Dans ce changement, le Maroc a peut-être commis certaines erreurs dans la gestion récente de la crise baptisée la migration des mineurs. Des erreurs que ne peut justifier notre colère à tous à l’accueil de Brahim Ghali par l’Espagne et à la réaction spasmodique de Madrid aux plans diplomatique, politique et judiciaire », fait-il noter avant de souligner que « tout ceci est possible. Il n’en demeure pas moins que la conscience qu’a le Maroc de l’impératif de changement de +paradigme+ est juste et de nature prospective ». « Progressivement, il appert au fil des événements qui ont ponctué cette colère que le Maroc a réagi pour défendre des intérêts légitimes. Ce faisant, il a provoqué, implicitement ou explicitement, de manière profonde et sur une longue portée, un changement du paradigme habituel, transformant notre perception et agissant sur les rapports mêmes de force », tient à préciser M. El Ouadie. « Je comprends la réserve de certains d’entre nous au sujet des erreurs commises dans la gestion du dossier des mineurs et des images l’accompagnant qui ont fait délibérément abstraction des comportements racistes des gardes-frontières à l’encontre des mêmes mineurs que l’Union Européenne prétend défendre par ailleurs », dit-il. « Cependant, je maintiens que la question est bien plus importante et mon vœu est qu’elle le sera. C’est connu, un chemin de mille lieues, commence toujours par un premier pas. Et en tout état de cause, ne dit-on pas en des circonstances pareilles dans ce Maroc aimé : « Waqt maja lkhir yanfâa » (Littéralement : Le bienfait est toujours un atout, quel que soit le moment de son arrivée)? », conclut- il.