Espagne : La duplicité élevée au rang de politique d’Etat

Dans l’affaire du désormais célèbre Mohamed Benbattouch, alias Brahim Ghali, les preuves de la duplicité espagnole ne résistent même pas à la bonne foi d’un moine. Voilà un pays démocratique qui, ayant souffert dans sa chair pendant plusieurs années du terrorisme séparatiste, reçoit en catimini chez lui un individu qui veut amputer le Maroc d’une partie de son territoire. Voilà encore un pays qui, proclamant son «amitié» supposée avec le Maroc au rythme d’une déclaration solennelle par semaine, reçoit sous une fausse identité bâclée par les barbouzes d’Alger, un chef séparatiste pour des raisons prétendument «humanitaires», sans juger utile d’en informer le Royaume. Il n’y a pas besoin d’être un vétéran de la haute diplomatie pour deviner que la mauvaise foi de l’Espagne est klaxonnante dans cette affaire, quoi qu’en dise la cheffe de sa diplomatie, Laya Gonzalez. En agissant de la sorte, l’Espagne a réussi la prouesse d’élever le «double visage» au rang d’une politique d’Etat. Sans aucun honneur et sans aucune gloire. En prêtant le flanc aux manigances sournoises et mesquines du palais de la Mouradia, les héritiers politiques de l’artisan de la transition espagnole, Felipe Gonzalez, n’auront retenu des enseignements de l’histoire de leur pays que les coups fourrés et la perfidie diplomatique. Dans cette affaire, la diplomatie espagnole est une version dégradée de la divinité antique Janus avec un visage au sourire jaune que Madrid affiche à l’adresse du Maroc et un autre visage, sombre et malsain, que Madrid (oui la même capitale ibérique) affiche aux adversaires du Royaume. Cette hypocrisie, comme toutes les déviances humaines, n’allait pas durer éternellement. Et le partenaire loyal allait fatalement découvrir le pot-aux-rose caché sous le drap d’un lit d’hôpital à Logroño à la faveur d’un coup du hasard. Grâce à la légendaire « baraka » du Royaume, diront certains! Comment le gouvernement espagnol, ou au moins ses membres qui ont autorisé cette bourde, peuvent-ils expliquer à leur propre opinion publique qu’un individu sinistre qui gît sur un lit d’hôpital payé par les impôts des espagnols ne soit pas traduit devant la justice pour des crimes commis contre des citoyens espagnols? Pour quelle raison la justice espagnole est tenue à l’écart de cette affaire, malgré les nombreuses plaintes dont elle est saisie pour génocide et crimes contre l’humanité qui pèsent sur le dénommé Brahim Ghali? En couvrant un criminel de guerre dont les mains sont tachées du sang espagnol et marocain, le gouvernement de Madrid se montre déloyal, non seulement à l’égard du Maroc, mais aussi vis-à-vis des espagnols et des habitants des îles Canaries qui ont voté pour lui afin qu’il défende leur honneur et la mémoire de leurs proches tués, kidnappés, torturés ou violés sur ordre de Brahim Ghali. On pourrait trouver un début d’explication à cette duplicité dans le besoin des hôtes de La Moncloa de plaire à la junte d’Alger. Le prix politique empoché serait à l’évidence dérisoire vu le peu de poids que pèse Alger sur la scène diplomatique internationale. Mais on ne pourra jamais expliquer à la mère d’un pêcheur espagnol tué en haute mer, au large des îles Canaries, par les hordes commandées par Brahim Ghali que la vie de son fils vaut mille fois moins que celle de son bourreau. Aucun esprit doté d’une once d’humanisme ne pourra convaincre le père de Khadijatou, violée par Brahim Ghali, que la justice des hommes est incapable de recouvrer l’honneur de sa fille, qui doit attendre la justice de Dieu pour assouvir sa colère, ou sa vengeance, contre son tortionnaire. De quelle logique diplomatique, politique ou économique peuvent se prévaloir les responsables espagnols pour sacrifier la relation patiemment bâtie avec le Maroc pour aider un septuagénaire grabataire à échapper à la justice espagnole. Seule l’histoire le dira. En attendant, le Maroc, serein et loyal même dans l’adversité, espère que les responsables espagnols se ressaisissent et donnent une explication logique de leurs agissements. Sans quoi, la confiance mutuelle sera un lointain souvenir.