Diplomatie parlementaire: Trois questions à l’universitaire Mohamed Badine El Yattioui
Propos recueillis par Khalid EL HARRAK. La diplomatie parlementaire, étant l’action internationale du Parlement, joue un rôle majeur dans la défense des intérêts de la Nation. A cet égard, les deux Chambres du Parlement se sont engagées, ces dernières années, dans plusieurs initiatives au sein des organisations interparlementaires avec pour objectifs de contribuer à la défense des constantes du Royaume, et à leur tête la première cause nationale, de faire valoir les positions du pays et de renforcer son image rayonnante à l’international. Dans ce sens, le président du Centre de recherche sur la globalisation « NejMaroc » et professeur des relations internationales à l’université des Amériques à Puebla (Mexique), Mohamed Badine El Yattioui, a livré dans une interview accordée à la MAP sa vision quant au rôle de la diplomatie parlementaire dans la défense de la cause nationale. 1 – Comment l’activité internationale des deux chambres du Parlement, à travers une diplomatie parlementaire agissante, peut servir la cause nationale ? L’internationalisation croissante de l’activité parlementaire se réalise notamment par le rôle prépondérant joué par les présidents des deux chambres du parlement. Ces derniers ont également une fonction de représentation en dehors des frontières marocaines. Il est important de rappeler que la diplomatie parlementaire n’est en aucun cas un substitut à la diplomatie traditionnelle, mais joue un rôle complémentaire. Elle permet avant tout d’établir des canaux de communication et de coopération autour des questions primordiales. Si la diplomatie est définie comme étant « la science et la pratique des relations entre États », elle est donc traditionnellement attachée au pouvoir régalien par le biais du pouvoir exécutif. Dans beaucoup de pays, nous constatons que les parlements ont occupé une place importante en matière de diplomatie parallèle durant les trente dernières années. Dans le cas du Maroc, les deux chambres du Parlement ont notamment pour mission de contribuer à la défense des constantes du Royaume, et à leur tête la première cause nationale, de faire valoir les positions du pays et de renforcer son image rayonnante sur la scène internationale. Dans le dossier du Sahara marocain, la dimension bilatérale demeure très importante et fait partie d’une stratégie nationale d’influence menée aussi dans un cadre multilatéral. D’autre part, au-delà de la ratification des traités et de leur participation à des unions interparlementaires, les membres des deux Chambres cherchent à convaincre leurs homologues étrangers de la justesse de la cause nationale. Ils utilisent le mécanisme des « points d’accord ». Ces derniers peuvent être des groupes de travail, des demandes d’information et de comparution. Un véritable lobbying est mené donc afin d’avoir des relais et des agents d’influence au sein des différentes instances parlementaires dans le but de défendre la cause nationale. 2 – Le Parlement marocain est membre de plusieurs assemblées parlementaires internationales, dont des organisations interparlementaires à vocation régionale comme en Amérique Latine. Dans quelle mesure la présence active des parlementaires marocains au sein de ces organisations peut mobiliser le soutien au plan d’autonomie proposé par le Maroc pour ses provinces du Sud ? La multiplication de la présence marocaine dans ces organisations est une nécessité absolue. Elle permettrait de mettre en avant la vision Royale par le biais de canaux distincts que sont ces organisations interparlementaires. Ceci nécessite une collaboration étroite et solide entre les deux Chambres et d’autres départements. Le processus de consolidation des relations avec les parlements d’Amérique latine est un choix stratégique pour le Maroc dans le cadre de la coopération Sud-Sud. La création du Forum parlementaire afro-latino-américain « AFROLAC », en 2019, en est un exemple. La déclaration constitutive a été signée par les présidents des deux Chambres du Parlement marocain, du Parlement panafricain, du Parlement latino-américain et des Caraïbes, de l’Union parlementaire africaine, du Parlement d’Amérique centrale, du Parlement de la Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest et du Parlement andin. Cet espace institutionnel privilégié de dialogue pourrait permettre au Royaume d’expliquer ses positions sur la question du Sahara marocain, en touchant à la fois les parlementaires de deux continents. Autre exemple, le FOPREL. Le Parlement marocain en est membre observateur depuis 2014. Ce Forum des présidents des Parlements d’Amérique Centrale, des Caraïbes et du Mexique comprend les présidents des Parlements de dix pays (Guatemala, Belize, Salvador, Honduras, Nicaragua, Costa Rica, Panama, République dominicaine, Mexique, et Porto Rico). Si les sujets de discussion et de coopération sont nombreux, la cause nationale y est évoquée et cela doit se poursuivre. Insister sur cette question de la part des parlementaires marocains est une nécessité du fait de la méconnaissance du dossier dans ces pays et de la propagande séparatiste menée depuis de nombreuses décennies. 3- La diplomatie parlementaire nécessite un certain niveau d’instruction pour pouvoir comprendre et analyser les enjeux de la scène internationale et défendre les intérêts du Maroc à l’étranger. Le profil des parlementaires est-il déterminant dans la réussite de cette mission pour faire valoir les positions du Royaume à l’international ? Les groupes d’amitié parlementaire ont une place déterminante dans le cadre des relations bilatérales. Ils peuvent permettre aux parlementaires marocains de se spécialiser dans les questions ayant trait aux pays de leurs interlocuteurs. La diplomatie parlementaire d’influence implique une stratégie offensive pour la défense des intérêts stratégiques du Royaume. Pour cette fin, le profil des parlementaires est capital pour mieux analyser les enjeux et défendre avec efficience la cause nationale.