Kais Saied, un président sous influence
Réagissant à l’accueil réservé par le président tunisien Kais Saied au chef des séparatistes du polisario à l’occasion de la tenue à Tunis du forum de coopération Japon-Afrique (TICAD 8), le journal en ligne »le 360 » relève que »cette décision ahurissante » ne peut émaner que d’un »président sous influence », dont la »boussole est réglée sur des généraux déboussolés ». Dans un article intitulé »Kais Saied ou les dérives d’un président sous influence », publié mercredi sur ce site d’information, l’auteur, Jalal Drissi note que « la décision ahurissante » de « déployer le tapis rouge au +capo+ des mercenaires polisariens armés et financés par les généraux algériens et qui leur offrent, en plus, le territoire algérien comme base arrière de repli, pousse à s’interroger sur les ressorts de la personnalité de ce président atypique. Car, soutient-il, »on ne peut comprendre le »fonctionnement » de Kaïs Saïed si on n’examine pas le profil de son éminence grise. Un certain »Ridha Lénine ». Mais avant, Jalal Drissi tient à faire ce rappel historique attestant que depuis l’indépendance de la Tunisie en 1956, jamais un président tunisien n’a fait preuve d’un tel abandon de souveraineté de son pays comme Kaïs Saïed. »Bourguiba, Benali (malgré ses dérives autocratiques), Marzouki et Caid Essebsi ont tous tenu à préserver la souveraineté de la Tunisie. Ils ont résisté face aux ingérences et agressions, y compris celles du dictateur Khadafi, au sommet de sa mégalomanie et souvent de connivence avec des généraux algériens », rappelle-t-il. Concernant le Sahara marocain, les présidents tunisiens avaient souvent tenté des médiations (systématiquement rejetées par la junte algérienne) tout en affirmant leur neutralité. Mais en leur âme et conscience, ils étaient tous convaincus de la justesse et du bien-fondé de la cause marocaine, écrit-il. Kais Saied, lui, a bouleversé cette tradition de sagesse dans la politique étrangère tunisienne. Pour Jalal Drissi, Il y a donc lieu de s’interroger sur »les ressorts de la personnalité de ce président atypique, certains disent déjanté et qui plus est, devient de plus en plus illisible, opaque pour ne pas dire brouillon. Non seulement pour l’opinion publique tunisienne, mais aussi pour la communauté internationale. Certains parlent même d’amateurisme ». »Il faut aller au-delà de la +photo complaisante et convenue+ du bonhomme, qui serait sage, pondéré et lucide (?) pour voir ce qu’il y a derrière », recommande-t-il, avant de noter qu’il est de notoriété publique que Kaïs Saïed (64 ans) n’est pas très inspiré, ni créatif sur le plan de la pensée politique. Sa stratégie politique et son image ont été façonnées notamment par son »maître à penser » et son »mentor », désigné ainsi par toute la presse tunisienne et les médias internationaux. Il s’agit, révèle-t-il, d’un certain »Ridha Chiheb Mekki alias Ridha Lénine », 66 ans, militant de gauche endurci, qui est présenté comme le cerveau de sa campagne électorale et le concepteur de son projet présidentiel. Et qui est »plus qu’une éminence grise, »un frère » et un »compagnon de route ». Et pour comprendre le »fonctionnement » de Kaïs Saïed, il est donc nécessaire d’examiner le profil de son éminence grise, souligne-t-il avant de faire savoir qu’ils se sont connus à la faculté de droit de Tunis à l’aube des années 80. Rhida »Lénine » revendique être »depuis des décennies, le frère, l’ami et le compagnon de route » de Kaïs Saïed. Or, ce dernier est austère, rigoriste, religieux. Par contre Ridha »Lénine » serait tout le contraire. Mais les deux entretiennent des débats d’idées en permanence. Tout en notant que ces deux profils, qui font entrecroiser »le vert et le rouge », illustrent l’absence d’une pensée structurée et cohérente au sommet de l’Etat tunisien, Jalal Drissi pense que »cela a grandement facilité pour Alger et Téhéran le déploiement d’une stratégie d’influence pour essayer de faire basculer la Tunisie dans leur giron. Pour lui, »ce bric-à-brac idéologique, hybride et obscur, bricolé par Saïed et Rhida »Lénine », fonde incontestablement une démarche politique inconséquente et aventureuse ». Et pour cause, relève-t-il, »Alger et Téhéran sont toujours à l’affût des signes d’affaiblissement d’un Etat pour l’enfoncer encore plus dans le désordre, conformément à leurs objectifs respectifs de dictature malveillante. La junte pour que tous les pays du voisinage soient dévastés comme l’Algérie, prise en otage depuis 1962. Et les mollahs pour éradiquer la doctrine sunnite et la remplacer par le chiisme. Une feuille de route pérenne qui vient de la nuit des temps ». Jalal Drissi rappelle, à ce propos, que la presse tunisienne s’est souvent interrogée si Kaïs Saïed était un »communiste-islamique » ?, estimant qu’une telle monstruosité idéologique ne peut évidemment mener que vers l’impasse. Et de rappeler aussi que n’ayant jamais été une figure marquante du »printemps » tunisien, Saïed s’est présenté aux élections présidentielles d’octobre 2019 comme candidat indépendant, sans appartenance partisane. En brossant son portrait, Jalal Drissi écrit qu’au-delà de sa langue de bois sur la justice, l’égalité sociale et la démocratie directe (pour tenir à distance la classe politique que lui et son mentor détestent), il s’est fait remarquer par un profil terne et un populisme balourd. Rouler dans un véhicule vétuste, rencontrer des électeurs dans des cafés, refuser le soutien des médias et de tout financement public ou privé… Il a surtout mené une campagne de terrain, au contact des jeunes des zones défavorisées qui ont été ses principaux relais électoraux ». Et d’affirmer à l’appui que sa popularité auprès de larges couches de l’électorat est due principalement à Ridha »Lénine » qui a encadré le terrain par le biais de cellules et comités locaux. Des techniques qu’il a pu voir fonctionner lors de son détachement en 2011 au Bahreïn, en tant que professeur d’instruction civique. Une séquence importante dans son parcours, fait-il remarquer avant d’indiquer que lors des révolutions arabes, et pendant qu’il enseignait à Manama, les autorités du Bahreïn ont noté chez lui un activisme en lien avec un groupe chiite bahreini opposant. Son contrat fut résilié et il revint à Tunis. A son retour, Ridha »Lénine » fonda le mouvement »Forces de la Tunisie Libre » pour prôner la »démocratie directe », adoptée, plus tard, par Kaïs Saïed. Il créa des comités locaux et régionaux qui furent le modèle pour la campagne électorale de son ami. Des organisations coordonnées de manière horizontale et inspirée de la méthodologie chiite, basée sur des structures populaires, source d’une prétendue »démocratie directe ». De plus, citant toujours les médias tunisiens, Kaïs Saïed n’a jamais caché sa fascination pour le régime des mollahs iraniens. En 2019, il a fait appel à l’ancien ambassadeur tunisien à Téhéran pour être son chef de cabinet. Il a aussi pris comme conseiller son frère Naoufel Saïed, admirateur de la pensée du sociologue et philosophe iranien Ali Shariati, inspirateur la révolution des mollahs. Et d’assurer que le coup d’Etat de Kaïs Saeid du 25 juillet 2021 illustre aussi un tropisme pour un régime présidentiel fort, inspiré du pouvoir du guide de la révolution iranienne. Tout cela montre à l’évidence, selon Jalal Drissi, que ce binôme (de fait déconnecté de tout lien réel avec les partis politiques, la société civile et les forces vives) nourri par un magma idéologique mêlant islam, communisme, marxisme, sunnisme, chiisme, autocratie, avec une prétendue façade démocratique, allait tomber comme un fruit mûr entre les mains de la junte algérienne. »La seule différence, et elle est de taille, est que la Tunisie, civilisée, raffinée (et qui demeure grande, malgré les turpitudes actuelles) ne gère pas ses conflits dans la violence. C’est pour cela que personne ne comprend pas pourquoi Carthage (la cité mythique et millénaire) a accepté de se livrer à une dictature militaire féroce enfantée juste hier, en 1962 », écrit-il, avant d’ajouter qu’aujourd’hui, »la junte fait avaler des couleuvres à Tunis, en usant des menaces de couper le gaz ou le faire payer cher, d’interrompre les prêts dérisoires, de stopper le flux des touristes algériens, de ne plus, dit-on, payer les fonctionnaires tunisiens. En contrepartie, Tunis doit obligatoirement s’inscrire dans le projet existentiel des généraux d’affaiblir le Maroc ». Seulement voilà! »la junte s’enfonce le doigt dans l’œil »jusqu’au coude » si elle pense isoler ou affaiblir le Maroc avec ces méthodes et manipulations surannées », met-il en garde. Il note aussi que la junte ne veut pas, non plus, que la Tunisie donne cette image de démocratie qui organise des élections correctes, ce que la junte abhorre. Pour cela, la déstabilisation et le désordre doivent être incessants en Tunisie. Cela étant précisé, Jalal Drissi estime que »si le pouvoir tunisien actuel était véritablement conscient, sûr de lui et convaincu des innombrables atouts de la Tunisie, il ne se serait pas enfermé dans ce tête-à-tête mortifère avec la dictature algérienne ». Car, il se prive ainsi d’immenses opportunités en réglant sa boussole sur des généraux eux-mêmes, déboussolés, prévient-il, avant de s’interroger : »Depuis quand la dictature algérienne peut-elle constituer un «modèle» pour la Tunisie ou pour tout autre pays ? » Malheureusement, regrette-t-il, »les sous-fifres illégitimes et dépourvus du sens de l’Etat qui dirigent aujourd’hui l’Algérie (et qui se sont radicalisés contre le Maroc) piétinent allègrement la souveraineté tunisienne. L’ordre obscène de déployer le tapis rouge pour un fantoche a été donné sans aucune retenue, et cela en sacrifiant les intérêts supérieurs de la Tunisie dont la junte se fiche ». A moins d’un sursaut, la Tunisie n’ira pas loin avec un président islamique sous influence d’un conseiller léniniste et le tout sous le regard intéressé d’Alger et de Téhéran !, estime Jalal Drissi, rappelant à »ces voix tunisiennes amnésiques qui disent que le Maroc n’aurait »jamais » aidé la Tunisie que l’accord de libre-échange entre les deux pays est nettement favorable à l’économie tunisienne. Chiffres à l’appui, il indique qu’en 2021, le Maroc était le premier importateur au Maghreb de produits tunisiens pour 216,5 millions de dollars et il exporte juste pour 123 millions de dollars. Les importations marocaines ont des effets démultiplicateurs sur l’ensemble de la machine économique tunisienne avec un impact direct sur l’emploi. Et la présence de nos institutions bancaires en Tunisie participent activement et qualitativement au marché financier tunisien. »Y a-t-il une aide plus consistante et plus utile que celle-là ? », se demande-t-il avant de rappeler que « notre propos traite des dérives des régimes et que nous vouons le plus grand respect aux peuples tunisien et algérien frères ».