Voter, un droit et un devoir civique
A la veille des scrutins législatif, régional et local du 8 septembre, la question de la participation électorale revient avec force comme étant un défi majeur pour toute la classe politique, appelée à mobiliser les électeurs pour se ruer vers les urnes, à travers le renouvellement de ses offres politiques. Considérée comme l’une des manifestations les plus emblématiques d’une fracture de confiance entre citoyens et acteurs politiques, l’abstention touche notamment les jeunes. Un phénomène complexe et composite qui, selon les analystes politiques, illustre le décalage entre les attentes grandissantes de l’électorat et les réponses des acteurs politiques. « Aujourd’hui, dans la plupart des pays du monde, et au Maroc en particulier, l’abstention s’explique par un déficit de performance des acteurs politiques élus et leur action publique combinée à une crise de valeurs », a expliqué à la MAP le professeur de droit public à l’Université Hassan II de Casablanca, Driss Abbadi. Pour l’universitaire, l’abstention est l’expression d’une « érosion significative » de la confiance citoyenne, qui affecte les institutions et le personnel politique élus. Les résultats électoraux constituent le meilleur indicateur de cette évolution à travers la progression parallèle de l’abstention, a-t-il dit. En effet, une démocratie en bonne forme suppose des citoyens qui s’impliquent davantage dans la vie politique du pays. Cet intérêt porté par les citoyens aux affaires publiques pousse les acteurs politiques à chercher à mieux servir l’intérêt général. Au contraire, le désengagement des citoyens et le désintérêt qu’ils manifestent vis-à-vis de la chose publique renforcent le taux d’abstention et creusent le fossé entre gouvernants et gouvernés. En fait, tous ceux qui croient à la démocratie représentative affirment que l’exercice de son droit de vote est un devoir patriotique et une façon d’exercer sa citoyenneté. « Il faut rappeler que voter c’est un droit. Historiquement, les hommes se sont battus pour avoir le droit de voter, l’abstention tend à faire perdre ce droit. Voter est aussi une obligation morale, une sorte de droit d’entrée dans l’espace public », relève le doyen de la faculté des sciences juridiques, économiques et sociales Aïn Sebaa. Si l’organisation d’élections réussies est perçue comme un signe de l’enracinement de la pratique démocratique et de l’alternance au pouvoir, la participation électorale apparaît de plus en plus cruciale dans la mesure où elle témoigne du degré de confiance dans les institutions politiques. Pour cette raison, encourager les citoyens à s’abstenir équivaut à un appel à la « désobéissance civile ». M. Abbadi estime que « cela équivaut à appeler les citoyens à ne pas emmener leurs enfants à l’école et les garder à la maison car ils estiment que le système éducatif est défaillant ». « Cela équivaut aussi à inviter les citoyens à ne pas emmener les malades à l’hôpital, les laisser à la maison et les faire soigner par d’autres moyens, estimant que le système sanitaire est défaillant », a-t-il poursuivi. Partant de la règle que le vote est un instrument de participation politique mis à la disposition des citoyens pour pouvoir juger et sanctionner positivement ou négativement les acteurs politiques en charge de la gestion de la chose publique, le politologue souligne que le vote est à la fois « un droit et une liberté, une garantie et un pouvoir ». Pour cela, il est aujourd’hui inadmissible de penser la citoyenneté sans la participation électorale, qui en est même le symbole et la démonstration.