Accueil d’un criminel de guerre en Espagne : Trois questions au politologue Mohamed Tajeddine Houssaini
Le politologue Mohamed Tajeddine Houssaini jette la lumière, dans un entretien accordé à la MAP, sur l’accueil en Espagne du criminel de guerre dénommé Brahim Ghali et les récents développements que connaissent les relations maroco-espagnoles. 1 – L’accueil en Espagne du criminel de guerre Brahim Ghali constitue-t-il une violation des normes diplomatiques et un déni de justice ? Effectivement ! En accueillant sur son territoire un criminel de guerre, l’Espagne a commis un déni des principes de la justice et une violation des normes diplomatiques et des principes en vigueur dans le cadre du droit international. Ces principes reposent sur la réciprocité, le respect de la souveraineté des pays et la résolution pacifique des conflits. L’Espagne a fait fi de tous ces principes et de son partenariat stratégique avec le Maroc. Après le déclenchement de la crise de la Catalogne, le Maroc fut parmi les pays qui se sont attachés à l’intégrité territoriale de l’Espagne, ont condamné toutes les manœuvres séparatistes opérées dans la région et soutenu le régime politique espagnol, contrairement à ce que fait l’Espagne s’agissant de la question du Sahara marocain et l’intégrité territoriale du Royaume. L’accueil du dénommé Brahim Ghali n’est pas une affaire anodine liée aux conditions humanitaires. Cette opération s’est effectuée dans le cadre d’une complicité suspecte entre les régimes espagnol et algérien et une association pour la mise en œuvre d’un acte criminel réprimé par le droit espagnol, à savoir le faux et l’usage de faux. En effet, le chef des séparatistes est entré en Espagne avec une fausse identité et un faux passeport. De plus, les autorités espagnoles ont composé avec le criminel en question en ne signalant pas sa présence sur le sol espagnol à la justice ibérique. 2 – Comment évaluez-vous les derniers développements au niveau des relations maroco-espagnoles ? Les récents développements sont préoccupants, notamment après le communiqué publié par le Maroc et qui laisse entendre que le Royaume pourrait reconsidérer ses relations avec le voisin ibérique. D’autre part, l’Espagne n’a apporté aucune réponse aux interrogations émises par le Maroc sur la présence du dénommé Brahim Ghali sur le sol espagnol, ni sur les procédures qui devraient être engagées au niveau judiciaire. Ainsi, le Maroc a estimé que l’Espagne tend plutôt à satisfaire d’autres parties, en particulier le régime algérien, puisque l’accueil du criminel en question avec un passeport falsifié s’est fait suite à la demande d’Alger. De ce fait, le Maroc a estimé que l’Espagne ne remplit pas le rôle positif qui lui sied dans la mise en place de relations stratégiques censées lier Rabat et Madrid. Parmi les développements les plus marquants, figurent aussi la convocation de l’ambassadrice marocaine à Madrid par le ministère espagnol des affaires étrangères suite à la déferlante de milliers de migrants sur le préside occupé de Sebta et la décision du Maroc de rappeler son Ambassadrice à Madrid pour consultation. Un geste qui constitue en lui-même un développement dans le sens négatif. Les analystes diplomatiques s’accordent sur le fait que le rappel d’un ambassadeur est un premier pas vers le gel ou la suspension des relations bilatérales. De ce fait, ce genre de développements peuvent avoir un impact grave sur l’avenir des relations entre les deux pays, qui sont d’ailleurs liés par le constant géographique, l’un des principaux éléments dans les relations internationales. Les pays peuvent changer tous les autres facteurs à l’exception de l’élément géographique, qui doit toujours être pris en considération. Ainsi, il y a de fortes chances que les relations reprennent leur cours normal, car elles sont stratégiques et portent sur divers domaines. 3 – L’Espagne peut-elle sacrifier ses relations et son partenariat stratégiques avec le Maroc ? Cette position incompréhensible de l’Espagne est probablement le résultat d’une mauvaise mise en œuvre de la démocratie dans le système exécutif espagnol. Plusieurs partis de l’extrême gauche et de l’extrême droite se sont mêlés de la question, alors que dans le passé, le souverain espagnol jouait un rôle majeur dans la résolution de ce genre de crises. La situation est, aujourd’hui, en train d’évoluer progressivement. L’Espagne semble essayer de « tenir le bâton par le milieu » entre le Maroc et l’Algérie. C’est là une tentative idiote qui dénote d’un déni des principes face à des intérêts économiques insignifiants. Il s’agit d’une violation des principes en matière de relations internationales et des normes diplomatiques et une obédience à certains intérêts ou certaines pressions exercées par des parties extrémistes.